Théophile Gautier et le bonheur
- Corado Begue, Lydia
Defentsa unibertsitatea: Universitat de Barcelona
Defentsa urtea: 1990
- Gabriel Oliver Coll Presidentea
- Alain Verjat Massmann Idazkaria
- David Estrada Herrero Kidea
- José Ignacio Velázquez Ezquerra Kidea
Mota: Tesia
Laburpena
RÉSUMÉ:C'est en fonction de l'apparition de thèmes réitératifs dans l'oeuvre de Gautier que nous avons choisi une critique thématique pour l'étude du bonheur dont la recherche n'apparaît en fait jamais de façon explicite dans sa production; bien qu'il existe pour tant une filiation entre une oeuvre et la suivante. En fait, les personnages partent toujours en quête de leur propre idéal, le plus souvent sous la forme d'une personne à aimer. Toutefois, des obstacles apparemment infranchissables apparaissent à tout moment devant eux: le destin, le temps et la mort jouent implacablement leur rôle dans toute l'oeuvre de Gautier.Il croyait fermement en une volonté supérieure qui dirigeait la vie de tous les hommes - la sienne en particulier - et Tous ses récits sont marqués par un déterminisme contre lequel luttent vainement certains personnages. Il était aussi angoissé devant le temps qui passait inexorablement, portant avec lui l'oubli et la mort, presque toujours présents dans son oeuvre. C'est ainsi que l'amour charnel, purement physique, n'aboutit jamais de façon heureuse et entraine même la mort de celui qui ne connaissait que le désir dans ses sentiments ("La Morte amoureuse", "Militona", "Avatar", ...) Les amours d'outre-tombe finissent également mal, et ne peuvent avoir de suite; les amoureuses de l'au-delà retournent toujours à leur origine, abandonnant leur amant, parfois au réveil d'un rêve fantastique ou, le plus souvent, à la suite d'un exorcisme.Pourtant, les personnages insistent dans leur dessein d'arriver au bonheur; pour y parvenir, ils suivront plusieurs étapes. Quelques-uns tenteront des expériences -comme le fit Gautier lui même- susceptibles de leur apporter des moments d'évasion. Les "paradis artificiels" (vin et drogue) s'étant avérés décevants et inutiles par le caractère éphémère du bonheur apporté, la recherche se poursuit. L'argent devient une condition implicite (quoique d'emblée non obligatoire), pour connaître une vie heureuse. C'est la contemplation de la Beauté qui conduit Gautier et ses personages vers l'approche d'un bonheur encore sensuel, mais moins éphémère puisque l'oeuvre d'art est le grand vainqueur du temps, d'un temps qui angoissait Gautier par son action destructrice. D'autre part, l'amour purement charnel s'étant révélé un échec, c'est la manifestation d'un amour pur qui permet au personnage de prendre conscience de la possibilité d'un bonheur au-delà du physique. La pureté semble pouvoir l'y conduire.La femme prend alors dans l'oeuvre une apparence qui ne correspond plus la réalité; elle se caractérise par une beauté surhumaine, en se transformant lentement en un être de plus en plus dématérialisé d'un récit à l'autre. A mesure que disparaît la propre corporéité de l'héroine, on devine la présence intérieure d'une âme qui essaie de se manifester, comme si déjà Gautier préparait inconsciemment le lecteur à l'arrivée finale de Spirite.On assiste alors à une certaine évolution dans l'attitude de Gautier: si le matérialisme et le spiritualisme ont toujours été vécus de façon simultanée dès ses débuts littéraires, s'il a longtemps accordé une grande importance au corps et aux plaisirs ("Mademoiselle de Maupin", "Fortunio",... ) tout en ayant l'intuition d'une autre réalité possible, plus spirituelle, il va graduellement être attiré par un monde supérieur.Comme chez les romantiques, l'infini l'attire, mais dans son cas, Gautier sera de plus en plus convaincu qu'il doit exister un autre endroit, au-delà du monde sensible, où se retrouve tout ce qui disparaît sur terre, idée qu'il retrouvera dans le "Second Faust" de Goethe. C'est aussi dans ce monde qu'évoluent les âmes séparées enfin d'un corps inutile et pesant ("Premières Poésies", "La Cafetière", "Avatar", "Spirite"). Suivant en cela la tradition orphique et la théorie platonicienne, Gautier croit que l'âme doit être libérée et que clest à partir de cette libération que commence à se préciser l'idée du vrai bonheur. Il existera donc lorsque cette âme pourra enfin s'unir à une autre âme à laquelle elle était déjà destinée ("Avatar", "Spirite").C'est au-delà de la mort qui abolit enfin le Temps et le Destin que commence le bonheur, dans une synthèse d'amour et de beauté. Après une hiérogamie extraordinaire, le retour à l'unité première est maintenent assuré par la naissance d'un être définitivement unique, mais aussi par l'intégration dans le Grand Tout, l'infini, le cosmos divin, vers lequel Gautier, lui aussi, se sentait invinciblement attiré. L'Eden perdu, dont la mémoire individuelle et collective gardait l'imperceptible souvenir, est redécouvert par l'amour pur qui devient donc la seule voie de salut pour celui qui ignore l'ascétisme. C'est par conséquent un Gautier libéré de la mort et du rythme spasmodique de sa vie spirituelle qui arrive au bout de son existence.La pureté est pour Gautier l'assurance - au-delà d'une mort libératrice- d'arriver enfin à un bonheur auquel l'homme a droit et qu'il a confusément cherché toute sa vie sous de multiples formes, aussi insatisfaisantes les unes que les autres, puisqu'elles étaient toutes soumises à l'action du temps. D'après l'évolution de ses oeuvres, Gautier aurait donc trouvé la route du Bonheur définitif et c'est dans "Spirite" que se lit le secret espoir d'y parvenir.Convaincue au départ de deux étapes différentes et successives dans la vie de Gautier, une matérialiste et l'autre spiritualiste, nous sommes arrivées à la conclusion qu'il existait en réalité simultanéité, c'est-à-dire une polarité entre ces deux tendances. Gautier, comme nombre de ses personnages, était constamment partagé entre un appel sensuel de la vie et une inquiétude spirituelle. Cependant, sa dernière grande nouvelle, "Spirite", nous laisse croire que c'est en suivant ce dernier penchant qu'existe l'espoir d'un bonheur possible et durable, dont la mort ne serait que le prélude.