Esthétique et politique dans la poésie de Charles Maurras

  1. COHEN, JULIEN
Dirigida por:
  1. Alicia Piquer Desvaux Directora
  2. Phillipe Baudorre Codirector/a

Universidad de defensa: Universitat de Barcelona

Fecha de defensa: 19 de septiembre de 2014

Tipo: Tesis

Teseo: 378150 DIALNET lock_openTDX editor

Resumen

L’objectif de ce travail de thèse propose une analyse de la relation qu’entretient Charles Maurras au fait poétique ainsi que l’étude exhaustive de son œuvre poétique, selon ses grandes lignes thématiques et esthétiques. Il tente de souligner l’importance du fait poétique au sein d’une discursivité maurrassienne multiple et hétéroclite, au sein de laquelle la poésie, si elle semble tenir, quantitativement, un rôle mineur au vu d’une immense production littéraire et intellectuelle, n’en demeure pas moins l’une des armes privilégiées de la lutte politique. Définie par Maurras comme la « plus haute expression du politique » , la poésie apparaît comme un constituant fondamental de la compréhension de sa pensée, de sa formation à son aboutissement. Or, malgré l’abondance des travaux concernant Maurras en France et à l’étranger, sa poésie n’avait, à ce jour, été étudiée que de façon fragmentaire, et assez peu objectivement pour peu qu’elle l’ait été. L’importance du discours poétique au sein de l’œuvre de Charles Maurras a ainsi été bien souvent écartée par la littérature savante qui, par tradition, se concentre plus fréquemment sur des problématiques politiques, journalistiques et historiques. A mi-chemin entre l’étude historique et littéraire, ce travail se propose de resituer le discours poétique au sein de la vaste discursivité polémique et politique de l’expression maurrassienne, selon un axe chronologique permettant d’insérer l’étude poétique dans la contingence de son écriture, de la fin du dix-neuvième siècle à l’incarcération finale de Riom. Ainsi nous ne prétendons pas donner un essai de critique littéraire, qui se conclurait par la validation ou l’invalidation de Maurras en tant que poète, mais une mise à plat exhaustive de cette œuvre poétique, qui tentera d’examiner les relations qu’entretiennent politique et esthétique dans la partie sinon la plus aboutie du moins la plus littéraire de l’œuvre de Maurras, la plus constitutive également, en tant que matière littéraire, sur le plan doctrinal, aux divers moments de son histoire intellectuelle. Cette étude ne présente donc pas un intérêt restreint aux seules études littéraires. Elle tente d’apporter de nouvelles pistes de réflexion à des problématiques historiographiques plus vastes et toujours actuelles comme de mieux comprendre les constructions de la pensée maurrassienne, ses logiques, ses paradoxes et ses limites, tant en politique qu’en littérature. Divisé en trois parties afin de retracer le parcours politique et intellectuel de Charles Maurras, ce travail se voit introduit par un avant-propos qui ouvre une réflexion sur la pluralité complexe des raisons qui ont conduit à l’éclatement de la figure littéraire de Maurras ainsi qu’à son exclusion du monde des lettres. Ce préambule envisage toutes les questions soulevées par le poète Charles Maurras de nos jours et en son temps, questions qui se cristallisèrent lors du Procès Maurras, en 1945. Nous cherchons à remonter à la genèse historiographique des violentes querelles qui divisent, aujourd’hui encore les milieux savants, nées de la caution, accordée ou non, à la sentence de son procès. Nous retraçons ensuite le cheminement de la discursivité maurrassienne, de sa mort à nos jours, et présentons les diverses positions polémiques et scientifiques qui provoquèrent l’éclatement de l’image, largement controversée, de l’écrivain, dans tous les champs où son ambition prétendait conquérir une audience de premier ordre. Le premier chapitre de notre travail s’intéresse aux années de formation intellectuelle et politique du jeune Maurras, de son arrivée à Paris à ses débuts de journaliste, en passant par la formation de l’Action Française, jusqu’à l’immédiat après-guerre, moment avant lequel on ne peut véritablement parler d’image de Maurras. Cette partie de notre travail, fondamentale malgré les faibles productions poétiques clairement datables qui la composent, cherche à remonter à la genèse de cette vie intellectuelle pour toucher le noyau des contradictions qui se développeront par la suite et conduiront à son éviction de la littérature. En effet, ce sont les orientations de ses ambitions débutantes qui vont être à l’origine des polémiques invalidant ses postures littéraires. La façon dont Charles Maurras gravite autour des cénacles littéraires parisiens durant ses premières années de formation intellectuelle, les stratégies qu’il emploie pour se faire un nom parmi ces cénacles privilégiés, indiquent l’importance de ce moment dans la formation de sa pensée, de son acculturation politique et de la constitution de son système rhétorique, par le biais de diverses allégeances, ruptures et retours, qui peuvent apparaître comme le limon discursif de ses stratégies futures. Cette partie montre également, dans la lignée des travaux d’Ivan P. Barko, un nouveau Maurras, inédit, décadentiste, post-symboliste et verlainien, que l’étude de ses premiers textes et poèmes, préservés par certains admirateurs et compilateurs, permet de mettre à jour. Cette partie de son existence paraît ainsi d’autant plus fondamentale à la compréhension de son œuvre poétique ultérieure que c’est dans cet intervalle de gestation intellectuelle que vont se construire les premières contradictions théoriques, esthétiques et biographiques que Maurras n’aura de cesse de tenter de résoudre une fois sa réputation forgée. Malgré la nature discrète et intime de cette première production poétique, nous pouvons d’ores et déjà observer diverses structures, stratégiques et discursives, qui composeront les clefs de l’œuvre poétique ultérieure, notamment à travers le petit poème Pour Psyché, publié une première fois en 1892 puis remanié en 1911. Nous pouvons montrer, dans cet exercice de littérature comparée, la tendance naissante à la recomposition par l’intégration de poèmes plus anciens dans de nouvelles compilations qui en transposent naturellement le sens. Il s’ensuit un remaniement de l’image personnelle, par divers effets de mise en scène poétique, pour offrir un reflet toujours plus conforme aux nécessités récentes. L’on découvre enfin une œuvre qui se laisse progressivement dévorer par des constructions théoriques et doctrinales antérieures, le poème venant clore la démonstration rhétorique. Cette démarche systématique deviendra le fil conducteur du long poème épique qui révélera, en 1918, le versificateur patriote au public parisien, L’Ode historique à Bataille de la Marne. Le second chapitre de notre étude se centre sur la période de l’immédiat Après-guerre (1919) à la mise à l’index vaticane (1926), instant de gloire de Maurras, de courte durée et en forme de chant du cygne. Cette partie s’attache à mettre en lumière la totalité des formes et des enjeux de l’écriture poétique maurrassienne. Elle cherche à montrer le rôle fondamental, qu’il s’agisse de critique littéraire ou d’écriture poétique, de la tradition intellectuelle et esthétisante maurrassienne, ainsi que son rôle stratégique dans les diverses représentations iconographiques que Charles Maurras propose au public alors qu’il se trouve au sommet de sa gloire. Elle souligne également l’extraordinaire capacité de Maurras à construire une structure de pensée imposante et cohérente, en redéfinissant le rôle discursif de cette poétique méconnue et les rapports de compénétration que cette écriture entretient avec la doctrine politique, montrant comment sa dimension prophétique implique une élévation transcendante de la doctrine politique, par delà les polémiques triviales de la vie journalistique quotidienne. Elle s’appuie sur une analyse littéraire exhaustive des différents recueils publiés par Maurras entre 1919 et 1925, en étudie les stratégies de publication et de diffusion tout en proposant une sociologie des adhérents du mouvement, de manière à approcher la complexion écartelée du public (entre membres de l’Académie française et militants ordinaires d’Action française) auquel cette œuvre se destine. En dernier lieu, et hors de toute approche partisane, ce chapitre de notre travail tente de redéfinir l’esthétisme maurrassien et de délimiter les contours ambigus de sa relation, sur le strict plan de l’esthétique littéraire, avec le mouvement fasciste européen, alors aussi présent que contingent. Cette partie s’interroge sur l’une des problématiques principales que pose le maurrassisme aux historiens contemporains : la possibilité d’une tentation fasciste au sein d’une poétique de l’action et de la force, voire de la violence nécessaire, que renforce l’esthétique païenne et martiale d’une autorité latine retrouvée. Nous tentons de montrer comment une métaphysique du dépassement des épreuves et des douleurs terrestres, formellement stoïcienne, semble principalement obéir à une vision hégélienne de la projection de la volonté. Le dernier chapitre de notre travail aborde la longue période qui va de 1926 à 1952. Tout d’abord dévorée par la politique, cette seconde moitié de la vie de Charles Maurras ne sera dédiée que tardivement à la publication poétique. Le premier ensemble de cette partie est ainsi axé sur la période de 1926-1940 : nous voyons la mise à l’index de Maurras et les luttes internes qui ont suivi, jusqu’à l’émeute du 6 février 1934, le chemin de la reconquête de l’opinion, de la lutte contre Le Front Populaire des années 1935-1936 au moment de gloire de 1939, date de l’élection tant attendue à l’Académie française. En second lieu, le tenant pour intrinsèquement lié à une mutation profonde et au retour de Maurras à la poésie, nous étudierons le choc considérable de la défaite et de la débâcle sur Charles Maurras. De 1940 à 1944, nous suivrons son parcours, de Vichy aux heures noires de l’Occupation, avant d’en venir à l’étude poétique proprement dite des derniers recueils fortement marqués d’une dimension carcérale de l’écriture. Etudiant enfin cet ultime recueil, presque posthume, que représente La Balance intérieure, nous montrerons, en dernière partie de notre travail, les conditions d’écriture de ces divers opus poétiques, en analysons les stratégies d’auteur, à la fois plaidoyer pro domo de Maurras et dénonciation de ses juges, véritables responsables de la défaite, selon la filiation discursive de sa défense lors de son procès. Nous présenterons également non plus l’unité mais la pluralité des messages poétiques entre le retour à la foi chrétienne et la permanence d’une esthétique fasciste dont nous noterons les modulations en fonction des stratégies de publication des ouvrages et du public auquel ces ouvrages se destinent. Cette dernière partie cherchera également à offrir une perception globale de l’œuvre, en s’intéressant aux permanences et aux changements qui la composent. Elle tentera de creuser les problématiques de fond que pose au monde intellectuel la poésie maurrassienne, la teneur et l’unicité de son néo-classicisme, la possibilité d’une esthétique fasciste ou préfasciste et la question de sa permanence, de son délitement ou de sa disparition dans l’œuvre finale. Cette question, aussi difficile que fondamentale, ouvre enfin le débat de la valeur de l’ultime conversion mystique de Maurras comme celui, plus dérangeant, d’une mystique de la violence, aux visages éclatés mais à l’imprégnation sourde, et dont la poésie, reflet d’images de psychologie intime, dénonce la présence, en deçà de causes purement historiques, humiliation d’une défaite, 1870 en France, 1918 en Allemagne, comme la résurgence affective exacerbée d’une quête de l’absence. Based on a literary study, this essay is an attempt to understand Charles Maurras’ poetical discourse within the framework of the extensive, polemical, critical and philosophical narrative of his author, from the end of the nineteenth century until his final custody in Riom. Our work tries to shed light on all the shapes and goals of Charles Maurras’ poetry at all the moments of the author’s intellectual history and through all his poetical writings. Thanks to this comprehensive approach, this study shows the fundamental role of intellectual and esthetical tradition in maurrassism and its strategic issues in the maurrassian’s iconographic depictions. It also highlights Maurras’ extraordinary capacity to fashioned an intellectually coherent and imposing structure of ideas, presenting the linkages between his poetical writings and his political doctrine. In particular, the prophetical dimension of his poetry suggests rising the political doctrine to the level of transcendence, above the mundane polemics of daily journalistic life. Finally, and excluding any partisan approach, this work tries to define what the Maurrassian aesthetics is, from the narrow perspective of literary aesthetics. This manuscript therefore endeavours to look deeper into the key questions that have remained unsolved about Maurras’ poetry: the content and unity of his neo-classicism, the ambivalences of its aesthetics, the value of the last mystical conversion. It attempts to offer a better understanding of Charles Maurras’ intellectual structures, their logics and paradoxes, relying primarily on its literary work.